Le Blog
2 janvier 2014
Le changement, s'adapter ou résister? Telle est la question
Nous entendons fréquemment parler de résistance au changement avec une connotation péjorative. Il est vrai que dans le monde du travail, un changement de réorganisation provoque d’immanquables réactions, dont on souligne souvent l’aspect négatif. Mais de quoi parle t-on au juste? Quels sont les ressorts de ce phénomène appelé « résistance au changement »?
« On sait ce qu’on perd mais on sait pas ce qu’on trouve » Sagesse populaire?
Ce qui nous inquiète lorsqu’on nous annonce un changement, c’est surtout la traversée de cette fameuse phase dite « de transition ». On anticipe, à juste titre, qu’on va devoir quitter un « état source » pas toujours satisfaisant mais connu, c’est à dire avec lequel nous avons nos petites habitudes. Cette période qui suit l’annonce d’un changement est caractérisée par un manque de visibilité sur l’horizon à venir. Il est alors fréquent d’observer une perte de repères accompagnée d’émotions négatives (insatisfactions, démotivations…). Dans le monde du travail, les équipes peuvent connaître des flottements pendant laquelle elles ne savent ni quoi changer, ni comment changer. Et cela bouge beaucoup et de plus en plus vite ; il est difficile de comprendre ce que les changements imposés peuvent avoir comme conséquences en termes d’adaptation ou de résistance.
Les ajustements permanents pour revenir à la norme habituelle
Tout système existe et perdure parce qu’il se maintient en équilibre malgré les changements de son environnement. Or les variations de l’environnement sont continues et entraînent des ajustements physiologiques, psychologiques et comportementaux, incessants mais invisibles ou très discrets. Ainsi, nous passons notre temps à faire en sorte que les choses ne changent pas en ajustant nos habitudes, nos comportements, nos actions et nos fonctions physiologiques (la température du corps en fonction de la température extérieure, par exemple). Ces petits réglages sont parfois gênants mais ne constituent pas un « problème » a proprement parler car les solutions que nous mettons en place suffisent la plupart du temps à faire en sorte que les variations de l’environnement soient surmontés. Par exemple, nous nous adaptons aux les grèves de transport, aux coups de rush au travail, aux variations de climat, aux petites engueulades quotidiennes… Cette capacité d’adaptation porte un nom : l’homéostasie (du grec « similaire », et « immobile ». Définie par Claude Bernard, cette capacité permet à un système de conserver son équilibre en dépit des contraintes qui lui sont extérieures. Cet état d’équilibre n’est ni plus ni moins que notre environnement connu et même si nous n’en sommes pas tout à fait satisfait la plupart du temps, nous faisons tout ce qu’il faut pour y revenir, c’est à dire pour que rien ne change.
Lorsque nos habitudes limitent le champ des possibilités
Baigner dans le même environnement, c’est confortable. Nous finissons par bien le connaître et l’anticiper plus facilement. Nos apprentissages se consolident et s’affinent et nos compétences ou apprentissages inutilisés sont passés au crible de l’oubli. On parle de « règles interactionnelles » établies par élimination (non usage) ; ces règles constituent notre gamme de comportements connus, intégrés, possibles. .Ainsi plus nous utilisons les mêmes options comportementales, moins nous pouvons en utiliser de nouvelles. Vous me suivez? Plus on fait la même chose, moins nous savons que nous pouvons faire autrement. C’est ainsi qu’on entend certains dire « si je suis colérique, j’y peux rien, c’est dans ma nature». Et certains de nos comportements, même s’ils nous paraissent inadaptés, au sens ou ils ne nous sortent pas d’une situation problématique, nous apparaissent comme obligatoires « je ne peux pas faire autrement ».
Ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas possible de faire autrement. Juste, nous n’imaginons pas faire autrement. Ce qui fait dire à Paul Watzlawick, que « ce n’est pas la réalité qui nous limite mais l’idée que l’on s’en fait » Quand nous avons pris des habitudes et que nous subissons un changement, nous nous sentons coincés, nous avons parfois bien du mal imaginer que nous pourrions faire autre chose.
Que se passe t-il quand ça change beaucoup trop ?
Le changement devient un problème lorsque notre environnement change beaucoup trop par rapport à notre norme personnelle (le connu, l’habituel). Ce type de changement « subi», provoque une rupture trop importante pour que nos comportements adaptatifs habituels puissent nous ramener à l’équilibre. Vécus comme une véritable galère émotionnelle et psychologique, nous avons alors le sentiment de perdre le contrôle et nous nous sentons déstabilisés : la colère, la peur, le sentiment d’impuissance, nous envahissent, entraînant une altération de notre perception objective qui peut nous conduire à de mauvais jugements, à des interprétations erronées, bref, nous perdons le sens du « raisonnable ». Parfois incapable de savoir comment nous allons nous en sortir, nous déployons des efforts coûteux en énergie, sans pour autant trouver de solutions satisfaisantes.
En réalité, nous nous escrimons sans le savoir à répéter ce que nous savons faire qui ne fonctionne plus et qui nous met en mode échec pour nous adapter à ce nouvel environnement. Ainsi ce sont nos propres solutions qui, répétées sans succès, nous enferment un peu plus dans le problème. Plus nous nous acharnons à répéter ce qui ne fonctionne pas, plus nous faisons de la situation un problème que nous pensons insoluble. Licenciements, mutations, deuils, séparations, nouveau chef, collègues, équipes … ces changements peuvent être vécu comme un choc déstabilisant et stressant. Notre réaction première est alors de nous enfermer dans nos propres tentatives de solutions inopérantes qui nous rendent la vie insupportable. Et cela peut durer, longtemps, trop longtemps et générer du stress et de de la souffrance psychologique.
Nous faisons tout pour revenir à l’équilibre connu
Comme le culbuto de notre enfance, nous mettons tout en oeuvre pour revenir à un équilibre connu. Ce que certains appellent « résistance au changement » n’est ni plus ni moins qu’une recherche d’équilibre dans un environnement qui change. Cette expression porte à confusion car on peut y entendre une « volonté » de ne pas changer. Par exemple les « résistants » pendant l’occupation ont choisi de ne pas se soumettre à l’ennemi et d’exercer une résistance au nom de valeurs humaines. Quitte à mettre leur vie en danger, ils ont par leur désobéissance, sauver des vies. Il s’agit ici d’un choix lucide et non d’une réaction inconsciente ou adaptatives.
Or, ces fameuses « résistances » dont on nous rebat les oreilles ne sont ni plus ni moins que des apprentissages rigidifiés et inadaptés (mécanismes d’adaptation et d’ajustements qui fonctionnait dans l’environnement source mais qui sont inefficace dans le nouvel environnement. Il s’agit d’une phase parfois très difficile à traverser qui manque la plupart du temps à être anticipée et accompagnée. Car pour nous adapter au changement, nous sommes contraints d’abandonner certains de nos modèles de comportements habituels, contraints de laisser ce que nous connaissions et maîtrisions pour aller vers l’inconnu. Nous vivons alors un conflit intra-psychique : laisser aller ou s’accrocher, telle est le dilemme, tel est le conflit.
Moins on change, plus c’est difficile de changer
Tout changement important nécessite l’apprentissage de nouvelles règles contextuelles, ce qui ne va pas de soi. Ces nouvelles règles obligent chacun à abandonner les anciennes. Dans monde du travail, subir des changements de postes, de procédures, de lieux ou d’équipes peut être vécu comme une opportunité, ou comme un problème ; ce qui est vécu comme inacceptable par les uns (à traverser comme les étapes du deuil), sera vécu comme une évolution positive par les autres. En effet, lorsque le changement est choisi, nos dispositions sont différentes et nous vivons le changement comme une évolution et non comme une adaptation. Et là nous apprenons facilement de nouveaux comportements et changeons avec plaisir.