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L'analyse systémique, ses fondements

Coachs, Médiateurs, Formateurs, Psychothérapeutes, Spécialistes des Ressources Humaines…, vous trouverez dans ce texte, une synthèse des fondements théoriques de cette approche cognitive et constructiviste appliquée à de nombreux domaines du vivant (économie, politique, sociologie, psychologie) qu’on appelle l’Analyse Systémique.

La compréhension des lois systémiques ouvre des possibilités d’interventions stratégiques puissantes et non pathologisantes pour résoudre des problèmes humains qui conduisent à de l’insatisfaction ou de la souffrance. 

Quelques définitions

L’analyse systémique est le fruit des sciences de la communication, de l’information et de la cybernétique. La contribution de l’anthropologue Gregory Bateson a été essentielle pour son application en sciences humaines.

  • La cybernétique : discipline qui étudie les régulations et la communication chez les êtres vivants et les machines construites par l’homme.
  • La systémique : étudie les systèmes et leur évolution.
  • Un système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisé dans un contexte donné, considéré comme pertinent par rapport à un tout.
  • Chaque système s’inscrit dans un niveau logique ( la terre et la lune< le système solaire< la voie lactée< l’univers) Les niveaux logiques s’influencent mutuellement et le tout est en méta-relation avec ses parties.

La notion de « relation »

Au  début du  XXème, Claude Bernard (médecin) pose des limites à la méthode « cartésienne » : elle n’est pas tout à fait adaptée à l’étude des systèmes humains ou tout simplement vivant (psycho et sociologiques, biologiques, écologiques ou économiques). Outre le fait que la science traditionnelle isole les liens entre les parties, elle ne tient pas compte de la relation entre le chercheur ou l’observateur et son objet d’étude, comme si celui-ci était neutre. D’autre part, les variables sont étudiées en les isolant de leur contexte général : du coup,  on observe des causes et des effets dans une linéarité en se privant d’observer l’impact de ces variables sur leur contexte et l’impact du contexte sur ces variables.

Certains chercheurs se lancent alors dans une approche globale qui permettrait la compréhension des relations entre l’environnement, le sujet d’étude et l’observateur, celui-ci exerçant (ne serait ce que par sa présence) une influence sur son sujet. Ce qui compte, c’est la relation entre les parties et non la parties isolées. Ainsi l’être humain doit être observés et étudiés dans son contexte avec toutes ses relations particulières.

 À l’époque où l’on « classait » les cultures en fonction de leur passé (étude de l’histoire, des origines), Gregory Bateson (1904-1980), anthropologue anglais s’attache à mieux comprendre leurs comportements spécifiques. Il s’interroge sur une méthode d’observation qui permette de comprendre les liens entre les individus et les caractéristiques de la culture dans laquelle ils évoluent ainsi que la manière dont la culture façonne les rôles distincts des hommes et des femmes. 

En étudiant les tribus de Nouvelle Guinée, il comprend que pour expliquer un comportement culturel, les modèles qui se contentent d’étudier le passé du groupe sont insuffisants ; il décide d’observer les liens, les interactions comportementales au présent (synchronie) et dans leur contexte 

En 36, il explique ainsi comment un comportement encouragé par l’environnement se déploie tandis qu’un comportement non encouragé s’éteint. C’est ainsi la culture d’une tribu se perpétue, par un apprentissage au quotidien. La culture que chacun porte est le résultat d’une adaptation au contexte qui l’entoure et le façonne.

 Au carrefour de la cybernétique, des sciences cognitives et des sciences de l’information

De 1942 à 1953, Norbert Wiener participe avec d’autres chercheurs pluridisciplinaires dont Gregory Batesonaux fameuses rencontres interdisciplinaires appelées conférences de Macy.

 Ces conférences réunissent d’une part, un mouvement composé de psychologues, anthropologues psychanalyste et Gestalt, qui souhaitent instaurer une réciprocité entre les sciences mathématiques et physiques et les sciences humaines  et d’autre part, les « cybernéticiens » (issus des mathématique et de la physique…) qui au contraire, mènent un combat contre les sciences psychologiques établies au nom des sciences mathématiques et physiques. L’objectif : édifier une science générale du fonctionnement du vivant et de l’esprit.  

Ainsi, les cybernéticiens et les sciences sociales et humaines travaillent ensemble sur les lois des systèmes auto-organisés, caractéristiques des systèmes « vivants » pour une compréhension des relations sociales et humaines. 

Les propriétés communes à tous les systèmes

« Le feedback est un message, l’échange de tous ces messages forme ce que nous appelons la communication » Paul Watzlawick


Diverses disciplines s’intéressent dorénavant aux  phénomènes organisés et autorégulés. Par exemple, comment le corps humain se maintient-il  à 37°, comment les unités physiologiques et environnementales simples interagissent pour que l’ensemble produise 37° ? La cybernétique permet de comprendre les enjeux interactionnels de ses composants, dans un but d’une intervention, d’un contrôle ou d’une simulation de ce même système. C’est le biologiste Ludwig Von Bertalanffly (68) qui formalise les propriétés communes à tous les systèmes vivants ou ouverts.

  • La propriété de totalité : chaque système possède des qualités émergentes (l’eau a une propriété liquide différente des éléments qui la compose : H2O = 2 gaz). Le tout ne se réduit pas à la somme des parties. De même,  en psychologie, l’interaction entre 2 personnes possède des qualités émergentes spécifiques (1+1=3 : moi, l’autre, nous). En sociologie, on n’explique pas les mouvements d’une foule violente par la nature (psychologie, buts, motivations…) des individus qui la constituent et qui peuvent être, d’ordinaire, pacifiques.
  •  L’équifinalité : Un même résultat peut s’obtenir avec des causes différentes, ou encore, une même cause peut produire des effets différents. Ce principe diverge totalement de la causalité linéaire (déterminisme ou causalité cartésienne) dont le point de vue est « diachronique » consistant à retracer l’origine du système et de ses éléments). Au contraire, l’équifinalité nous oblige à opter pour un point de vue « synchronique » (observer les phénomènes d’interaction à un moment donné pour comprendre l’état du système. En gros il n’y a pas de linéarité cause/effet : ce n’est pas parce qu’on a subit un préjudice que l’on va entrer en conflit, ce n’est pas parce qu’on vit un traumatisme qu’on développe un problème psychologique… Voici un principe important et nous comprenons pourquoi (en médiation comme en thérapie brève) il est inutile de s’acharner à (re)faire l’histoire du conflit et d’en déceler son origine.C’est le système interactionnel au moment où il se présente face au médiateur qui est pertinent. Le but de la relation d’aide est de faire évoluer le mode relationnel de ce système vers un état cible.
  • Le principe de rétroaction : implique que chaque élément peut s’informer et agir sur l’état des autres « on ne peut pas ne pas communiquer » Paul Watzlawick. La seule « présence » d’un médiateur peut changer la donne même si celui-ci n’est qu’un néophyte un peu hasardeux dans ses pratiques. Les interactions ne résultent pas d’une causalité linéaire (cause /effet) mais manifestent une causalité circulaire ; un message entraîne un message en retour et vice et versa.    « Le feedback est un message, l’échange de tous ces messages forme ce que nous appelons la communication » Paul Watzlawick
  • L’homéostasie : quand un système s’est stabilisé, il existe une tendance à maintenir un équilibre de fonctionnement. Quand l’équilibre est bousculé, des actions correctrices sont mises en œuvre pour qu’il soit ramené à son point d’équilibre (principe du radiateur thermostatique). Ce qui assure aux systèmes ouverts leur identité et leur permanence dans le temps. Ce mécanisme s’oppose au changement et peut donc limiter les facultés d’adaptation d’un système en cas de modifications internes ou contextuelles importantes. Pour Claude Bernard  : « l’homéostasie est l’équilibre dynamique qui nous maintient en vie ». ce qui signifie que lorsqu’une personne est concernée par un changement dans son environnement, elle reproduit des comportements connus (habituels) pour s’y adapter.

    Nous fonctionnons finalement, un peu comme un radiateur thermostatique et nos comportements jouent le rôle de régulateur. La notion de« résistance au changement » consiste en une autorégulation du système individu/environnement, autrement appelée loi d’homéostasie.

    Autrement dit, l’être humain ne « résiste » pas au changement de façon volontaire, par esprit de rebellion ou de contradiction. Il maintient son équilibre « connu » parce qu’il le connait, il s’y est adapté. Il peut s’auto-réguler grace à des comportements connus.

    Ainsi ce que nous appelons « changement  » est une nécessité adaptative du système pour maintenir son équilibre. Il arrive parfois que une entité, un éléments du système ne puisse pas s’adapter à un changement du contexte. Ce qui conduit évidemment à un état de stress, de  « sur »-adaptation.

    En voici un excellent exemple illustré par cet axiome shadokiens     …   « Plus ça change, plus c’est la même chose »

     

     

    ou Comment la machine shadokienne des impôts, ne change pas, même si le contexte a changé. Tout cela est évidemment une affaire de rapport de force…

 

   Joëlle ANKAOUA

 

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